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    Le cinéma est-il devenu pudique ? Depuis le début des années 2000, les scènes explicites ont chuté de 40%
    Isabelle Ratane
    Isabelle Ratane
    Isabelle est passionnée par l'univers de la fiction, séries comme ciné. Basée en Corée du Sud, elle aime découvrir et (surtout) faire découvrir les incontournables et les pépites des plateformes de streaming (Netflix, Disney+, Prime...) avec un regard expert sur les K-Dramas et films sud-coréens.

    Les scènes d'ébats ou de nudité ont grandement baissé depuis vingt-cinq ans dans le cinéma américain. Les raisons avancées sont variées et nombreuses.

    Les scénaristes, réalisateurs et distributeurs occidentaux ne craignent plus la colère des censeurs. Mais, selon The Economist, le sujet du sexe est à nouveau jugé, cette fois dans les cercles hollywoodiens. Récemment, cinéastes, critiques et téléspectateurs se sont mis à débattre du manque de sexe à l’écran. Certains estiment qu’Hollywood est entré dans une ère puritaine et rejettent la faute sur le mouvement #MeToo et l’omniprésence des films de super-héros adressés à un large public incluant les plus jeunes, ainsi que sur la nécessité de séduire les marchés étrangers.

    D’autres ne sont toutefois pas d’accord et citent des exemples de scènes très explicites dans des films récents, tels que Fair Play, le thriller sexy avec Phoebe Dynevor (La Chronique des Bridgerton) et Alden Ehrenreich (Solo: A Star Wars Story), ou encore Pauvres Créatures, le drame romantique fantastique qui a valu à Emma Stone son dernier Oscar.

    Pauvres Créatures
    Pauvres Créatures
    Sortie : 17 janvier 2024 | 2h 21min
    De Yorgos Lanthimos
    Avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe
    Presse
    3,7
    Spectateurs
    4,0
    louer ou acheter

    Stephen Follows, un analyste de données cinématographiques, a examiné les 250 films les plus rentables aux États-Unis chaque année depuis 2000. Pour cela, il a pris en compte les données des organismes de classification des films ainsi que les informations provenant des bases de données cinématographiques, dans lesquelles le “sexe et la nudité” d’un film est classé sur une échelle allant de “aucun” à “sévère” : il a constaté que le niveau de contenu sexuel dans les films a chuté de près de 40%. Autrement dit, l’abstinence à l’écran est à la mode. En 2000, moins de 20% des films les plus rentables n’avaient aucun contenu sexuel. Aujourd’hui, près de la moitié en manque.

    Moins de sexe, mais des scènes osées plus explicites

    Comme l’explique The Economist, Il y a peut-être moins de scènes de sexe à l’écran, mais celles qui sont présentées de nos jours sont plus explicites que jamais. En 1992, un plan rapide sur les organes génitaux de l’héroïne incarnée par Sharon Stone dans Basic Instinct avait choqué le public et les critiques. Mais en 2023, la nudité féminine frontale que l’on a pu voir dans des films tels que Joy Ride, une comédie signée Adele Lim, et Le Challenge avec Jennifer Lawrence, n’ont pas provoqué de fureur. Fair Play et Saltburn – le film de Prime Video avec Barry Keoghan et Jacob Elordi qui a beaucoup fait parler de lui pour ses scènes osées –, tous deux sortis l’an dernier également, sont même allés plus loin, présentant des personnages pratiquant le sexe oral sur leurs partenaires avec règles inclus.

    Netflix
    Alden Ehrenreich et Phoebe Dynevor dans “Fair Play” (2023)

    Quant aux membres masculins en érection, autrefois strictement interdits, ils sont désormais filmés à l’aide d’une prothèse, et sont apparus dans des films tels que May December de Todd Haynes avec Natalie Portman. Mary & George, une série dramatique historique sur le roi Jacques Ier d’Angleterre s’est, elle aussi, efforcée d’atteindre un certain réalisme plutôt cru. Et ne parlons pas de certains drames adolescents tels qu’Euphoria...

    Le rôle des coordinateurs d’intimité : opinion divisée

    De nos jours, les coordinateurs d’intimité jouent un rôle important à Hollywood. Sur les plateaux, ils assurent la liaison avec le réalisateur et les acteurs pour chorégraphier des scènes de sexe (et de violence sexuelle). Ita O’Brien est une coordinatrice d’intimité de premier plan qui a travaillé sur des séries comme Normal People, qui suit la relation compliquée d’un jeune couple, de leurs années lycée jusqu’à leurs études universitaires – et qui a révélé les étoiles montantes Daisy Edgar-Jones et Paul Mescal –, des films tels que Magic Mike : dernière danse. Elle compare son travail à celui d’un coordinateur de cascades qui souhaite assurer la sécurité des acteurs tout en chorégraphiant un combat de la façon la plus excitante possible. Le sexe peut toujours être explicite, dit-elle, mais “il est au service du personnage et de la narration.

    BBC Three / Hulu
    Daisy Edgar-Jones et Paul Mescal dans “Normal People” (2020)

    En conséquence, ces coordinateurs demandent souvent aux cinéastes de réfléchir à la raison pour laquelle la scène est importante dans le récit ce qui, selon Ita O’Brien, entraîne parfois des modifications du scénario ou la suppression de la scène de sexe.

    Ainsi, certains acteurs ne sont pas du tout pour leur présence sur le plateau, comme Jennifer Aniston ou encore Sean Bean, qui ont déclaré qu’ils étaient inutiles ou qu’ils étouffaient la spontanéité des scènes de sexe. Pour certains, le fait qu’ils soient devenus presque omniprésents sur les tournages suggère qu’ils sont le symptôme d’une époque plus censurée.

    Pourtant, d’autres acteurs ont fait leur éloge, affirmant que leurs efforts les avaient aidés à se concentrer sur leur travail. Kristen Stewart par exemple, a déclaré que chorégraphier les moments amoureux de son personnage dans le thriller romantique Love Lies Bleeding l’avait beaucoup aidée : plutôt que d’être “jetés dedans”, cela aide les acteurs à être “moins gênés”, a-t-elle précisé.

    Un futur encore plus pudique ?

    Le sort de la scène sexuelle, sur le petit comme sur le grand écran, appartiendrait donc à la prochaine génération, et selon The Economist, cette période moins osée pourrait bien durer. La publication précise en effet que la génération Z serait notoirement plus chaste que ses aînées. Non seulement les jeunes auraient moins de relations, mais ils souhaiteraient également en voir moins à l’écran, selon un sondage réalisé l’année dernière par le Center for Scholars and Storytellers de l’Université de Californie à Los Angeles.

    En effet, lorsqu’on leur a demandé de classer 19 sujets qu’ils aimaient regarder dans des séries et des films, les jeunes gens ont classé “l’amour et/ou le sexe” au 13ème rang et “un contenu qui n’inclut pas le sexe ou la romance” à la septième position… L’avenir, semble-t-il, pourrait être de plus en plus sage...

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