Kinds of Kindness : les secrets du tournage

Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.

À l’origine, le réalisateur et son co-scénariste Efthimis Filippou se sont d’abord concentrés sur une seule histoire. Mais au fur et à mesure, l’idée de garder un fil rouge thématique unique entre différents récits a germé dans leur esprit pour devenir cette anthologie scindée en trois parties.

C’est durant la post-production de son précédent long-métrage Pauvres Créatures que Yórgos Lánthimos est parti tourner Kind of Kindness à la Nouvelle-Orléans, aux États-Unis.

Depuis ses débuts, Yórgos Lánthimos aime s’entourer d’une équipe technique et artistique fidèle. Sur ce film, il retrouve son co-scénariste grec Efthimis Filippou avec qui il avait travaillé sur plusieurs projets dont Canine, The Lobster et Mise à mort du cerf sacré. Sur ce nouveau film, Il collabore également pour la cinquième fois avec ses deux producteurs fétiches Andrew Lowe et Ed Guiney (The Lobster, Mise à mort du cerf sacré, La Favorite et Pauvres créatures) ainsi qu’avec son directeur de la photographie Robbie Ryan, pour la troisième fois.

Côté casting, Kind of Kindness signe ses retrouvailles avec Joe Alwyn après La Favorite, mais également la réunion de Willem Dafoe, Margaret Qualley et Emma Stone, tous trois à l’affiche de Pauvres Créatures. C’est d’ailleurs la quatrième fois qu’il travaille avec l’oscarisée Emma Stone, un partenariat que Yorgos Lanthimos semble apprécier comme il l’a confié récemment : "Nous avons désormais acquis une expérience commune que nous pouvons continuer à développer, en essayant d’en repousser les limites à chaque fois. Nous adorons travailler l’un avec l’autre."

Présenté en compétition officielle lors de la 77e édition du Festival de Cannes, le film a reçu le prix d’interprétation masculine pour Jesse Plemons. Une récompense qui s’ajoute au long palmarès cannois de Yórgos Lánthimos, puisque Kind of Kindness est son quatrième film à concourir pour le festival… et il n’est jamais reparti les mains vides. En 2009, il remporte le prix Un Certain Regard avec Canine, puis le prix du Jury en 2015 avec The Lobster. Et deux ans plus tard, le réalisateur est reparti de la Croisette avec le prestigieux prix du Meilleur Scénario pour son film Mise à mort du cerf sacré. 

Après Pauvres Créatures, quasiment entièrement tourné en studio, Kind of Kindness marque son retour aux décors extérieurs, avec des éclairages naturels. Le tournage s’est déroulé à la Nouvelle-Orléans, en raison de son climat et de son atmosphère "no man’s land" qui collaient à l’univers du film. C’est dans cette ville que Yorgos Lanthimos et son équipe créative ont notamment eu un coup de coeur pour une maison au bord d’un grand lac, qui a été déterminante dans le choix du site.

Kind of Kindness devait s'intituler au départ "RMF" puis "AND", comme deux des sections du film. Rapidement, le réalisateur s'est rendu compte des conséquences néfastes d'un tel choix et a cherché un titre davantage polysémique. Il précise à ce sujet : "Je cherchais des mots ayant plusieurs significations. Au regard du contexte du film et du fait que les mêmes acteurs incarnent des personnages différents dans chacune des histoires, je voulais un titre qui ait du sens et qui sonne bien."

Dans chacune des trois histoires du film, on retrouve les mêmes acteurs, qui campent à chaque fois un personnage différent. Un résultat contrastant avec l’idée de départ, puisqu’il devait normalement y avoir un comédien par protagoniste, comme c’est le cas dans la majorité des films. Jesse Plemons joue ainsi les rôles de Robert, Daniel et Andrew tandis que Hong Chau incarne trois femmes que sont Sarah, Sharon et Aka.

Yorgos Lanthimos a expliqué cette décision radicale : "Le fait que la même actrice ou le même acteur passe d'un récit à l’autre ajoute un sentiment de continuité à un niveau subconscient. De plus, cela permettait de changer de rythme et d’exploiter les différentes facettes de jeu des comédiens."

Les thèmes présents de Kind of Kindness sont le pouvoir, les relations humaines et la liberté de choisir. À cela s’ajoutent également les questions de l’amour et de l’indifférence, qui émaillent d’ailleurs sa filmographie.

Pour ce film, le compositeur Jerskin Fendrix est allé à l’opposé de son précédent travail sur Pauvres Créatures, en privilégiant davantage le piano et les chœurs. Le musicien révèle également avoir longuement discuté avec l’acteur Jesse Plemons pour créer la bande-originale, grâce à ses indications sur les différentes émotions de ses personnages : "Il m'a parlé de son interprétation et de la manière dont il envisageait d'incarner ses rôles, ce qui m’a beaucoup apporté." rapporte Jerskin Fendrix avant de poursuivre : "J’ai fini par réfléchir aux espaces abstraits pouvant exister entre les émotions, m’interrogeant sur le fait qu’ils soient sonores ou silencieux."

Contrairement à d’autres cinéastes qui privilégient l’improvisation, Yorgos Lanthimos est un adepte des répétitions, non pas seulement pour permettre aux acteurs de s’imprégner davantage de leurs rôles, mais surtout pour permettre à sa troupe de se familiariser les uns avec les autres… et ainsi créer une complicité à l’écran.

La cheffe costumière Jennifer Johnson s’est inspirée d’images d’actualité, des photographies d’époque de l’agence Magnum et des peintures de la portraitiste américaine Alice Neel pour capter la psychologie des protagonistes et créer leurs vêtements. Quant au personnage qu’incarne Willem Dafoe dans la première histoire, il est directement inspiré du look de l’industriel italien Gianni Agnelli dans les années 1970.

Jennifer Serio, la responsable du département coiffure, s’est adaptée aux contraintes capillaires qui lui ont été imposées sur le tournage, car le réalisateur ne souhaitait pas de recours à des perruques, trop artificielles à son goût. Elle a donc utilisé les cheveux naturels des acteurs et a cherché à les mettre en valeur. Un défi, notamment pour Emma Stone, qui sortait d’un tournage au cours duquel sa chevelure avait été très abîmée. Pour l’assainir, elle a d’ailleurs été teinte en blonde et coupée : "Ce sont nos vrais cheveux qui ont été utilisés, ce qui est une perspective intimidante, surtout pour une équipe de coiffeurs et de maquilleurs n'ayant jamais travaillé avec Yorgos." a confié l’actrice.

Pour mettre encore davantage en avant son univers onirique, Yorgos Lanthimos a tourné sur pellicule, considérée par Robbie Ryan son directeur de la photographie comme "l’ingrédient magique" de ses films. Cette technique à l’ancienne lui permet d’obtenir un grain qui sublime l’image, mais également d’avoir une équipe plus réduite, car moins de moniteurs de contrôle. Des avantages qui ont toutefois un bémol, puisque le format panoramique et anamorphique du long-métrage a engendré de nombreux essais techniques auquel le cinéaste a dû faire face.

Adepte du noir et blanc dont il a eu recours à maintes reprises sur Pauvres Créatures, Yorgos Lanthimos a à nouveau succombé à cet effet, lorsque les personnages évoquent un rêve ou une histoire qui s’est déroulée dans le passé.