Pendant ce temps sur Terre trouve sa genèse dans la fascination qu'a Jérémy Clapin pour l’Espace. Le metteur en scène explique : "Ce territoire infini que nous observons depuis la Terre autant qu’il nous observe, comme l’imaginaire observe la réalité, comme le présent observe le passé. Tout est parti de cette réflexion autour de ces mondes en collision permanente. J’ai commencé à dérouler ce fil et je suis arrivé à l’idée de raconter le parcours d’Elsa, une jeune femme faisant face à un deuil impossible, celui d’un frère mystérieusement disparu au cours d’une mission spatiale."
"Ce film, c’est le portrait d’une femme coincée entre deux mondes, celui des morts et des vivants, entre l’espoir et la résignation, entre son enfance et l’âge adulte, entre la Terre et l’Espace. C’est un film qui essaie avant tout de transmettre un sentiment, celui de n’appartenir qu’à moitié au monde."
Jérémy Clapin voulait que le spectateur puisse accompagner le personnage d'Elsa à travers deux univers : son parcours dans son monde intérieur, imagé, quasi inaccessible, et sa trajectoire sur terre. Il précise : "J’ai très vite décidé qu’il y aurait 2 registres, l’animation et la prise de vue réelle, pour créer cette collision entre le réel et l’imaginaire. Faire dialoguer ces deux territoires, les imbriquer dans un seul et même récit est devenu la raison d’être de ce film."
Jérémy Clapin est à l'origine un réalisateur de films d'animation pour adultes (on lui doit, entre autres, le très bien reçu J’ai perdu mon corps) : "L’ animation offre des possibilités narratives et plastiques infinies mais ce qui m’intéresse en premier lieu avant le medium c’est le cinéma et une certaine approche du fantastique. Au fil des ans, ma façon d’aborder la mise en scène, le montage, le travail avec les acteurs, l’utilisation de la caméra, ont évolué vers un langage plus proche de celui de la prise de vue réelle."
"Ce cheminement artistique, ajouté à mon désir de sortir de ma zone de confort ont également déclenché ce passage. Je crois y être allé chercher une matière à explorer que je ne trouvais pas en animation : un aspect brut, la nature, quelque chose de plus viscéral et organique. J’ai parlé du projet à Marc du Pontavice, mon producteur sur J’ai perdu mon corps, et nous avons décidé de repartir à l’aventure ensemble", confie le cinéaste.
Elsa communique avec des extraterrestres uniquement par le son. Jérémy Clapin a ainsi voulu faire un film sur l’espace en sachant pertinemment qu'il n’allait pas envoyer ses personnages dans l'univers. Il précise : "Il y a quelques effets spéciaux visuels dans le film mais je ne souhaitais pas que ça prenne le dessus sur l’évocation. Plus on en montrait, plus le film perdait de la magie et moins on y croyait. J’ai passé une sorte de pacte avec le spectateur basé sur la confiance dans le cinéma, dans le travail sur le son, dans la musique et dans le travail de l’actrice, Megan Northam."
"Je ne voulais pas inventer une nouvelle espèce d’extraterrestres : on soupçonne leur existence mais ils ne délivrent pas leur mystère. Leur existence et leur mode de fonctionnement demeurent énigmatiques tout au long du film."
C’est la directrice de casting Judith Chalier qui a proposé Megan Northam (notamment célèbre pour jouer l’héroïne de Salade grecque) à Jérémy Clapin pour jouer Elsa. Le metteur en scène se souvient : "Ce qui m’a plu chez Megan, c’est sa capacité à ramener de l’intériorité, à convoquer très vite la douleur sans la fabriquer. Je l’avais vue dans un court-métrage où elle arrivait à capter le regard en très peu de plans. Je sentais sa présence, c’est difficile à expliquer, je l’ai choisie pour cela. On s’est très vite compris artistiquement, l’instinct. Elle est dans tous les plans, dire que le film lui doit beaucoup est un euphémisme."
Elsa travaille dans un Ehpad. Jérémy Clapin a conçu cet espace comme un vaisseau spatial, pour un dernier voyage où les passagers sont entre deux destinations... Le réalisateur développe : "Elsa travaille et traîne dans cet établissement, comme si sa réalité et son imaginaire étaient coincés dans un vaisseau spatial. Que ce soit à l’Ehpad ou dans la forêt, Elsa accompagne les vivants vers la mort, comme le personnage de Charon, le passeur du Styxx dans la mythologie grecque qui fait passer les âmes d’une rive à l’autre."
"À travers ce lieu, ce film raconte aussi la question de la violence, omniprésente dans notre société. La solitude, le déclin, la dépression. Des violences qui peuvent être physiques ou psychiques, frontales ou dissimulées."